Dix ans plus tard Sieyès, qui s'est rendu maître du Directoire, cherche une épée républicaine pour mettre fin à l'anarchie. Le général Bonaparte vient de rentrer d'Egypte. Le coup d'Etat du 18 Brumaire, leur oeuvre commune, ferme la Révolution... Mais ce Bonaparte était Napoléon.
Ainsi Sieyès eut-il l'extraordinaire destin d'être l'initiateur de la Révolution en 1789, puis son liquidateur en 1799, de jouer un rôle essentiel du premier jour jusqu'au dernier. Mais s'il est la clé de la Révolution, c'est aussi qu'elle ne peut se comprendre sans lui. Les idées qu'elle a agitées, les instruments de pensée qu'elle nous a légués, les institutions dont nous nous servons encore ont été, pour la plupart, inventés ou théorisés par lui. Et sans doute fut-il le seul intellectuel qui ait joué un rôle décisif dans l'histoire révolutionnaire.
Pourtant Sieyès est étrangement négligé par l'Histoire. C'est peut-être qu'il y occupe une place inconfortable : pour les uns prêtre renégat, régicide, devenu comte d'Empire, lui le grand pourfendeur des privilèges, pour les autres symbole du règne de la bourgeoisie, précurseur du gouvernement des notables au XIXe siècle, du gouvernement des classes moyennes au XXe...
Son mystère aussi peut avoir découragé l'Histoire. Sa vie de prêtre avant la Révolution, sa vie dissimulée sous la Convention, ses complots, ses coups d'Etat, sa longue retraite gardent beaucoup de secrets. On ne sait rien ou presque de sa vie privée. Son physique même semble incertain. Venu au terme de sa vie, Sieyès refusa de se justifier, s'enfermant dans ce qu'il appelait son silence philosophique. « A quoi bon ! Notre oeuvre se suffit à elle-même. » Sieyès n'a pas voulu servir sa propre mémoire. Il s'est cru au-dessus de la postérité.
Aurait-elle pris sa revanche ?
Voici ce que d'autres avait à lire à propos de cet ouvrage :
- Perrick, dans Des livres, septième série
Après l'éclairage de la Révolution française via les expériences américaines et européennes, cette riche biographie donne un angle original à cette période troublée. Celui d'un homme qui déclenchera à la fois la fin de la royauté et le début de l'empire. L'Abbé Sieyès fera une carrière politique hachée par les changements de régime incessants, par les aller-retour entre un Paris tumultueux et une campagne apaisante, par une santé frêle et un véritable orgueil, par une vision lucide du Tiers-État en 1789 et une soif de reconnaissance enfin cajolée puis délicieusement achetée par un Bonaparte dévorant d'ambition dès 1799.
- Frédéric Seaux, dans Révolution française : Sieyès, un abbé défenseur du tiers-état
On pourrait voir dans ce « Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? » un appel à la lutte des classes à travers son rejet des privilégiés et sa farouche volonté de voir triompher le Tiers-Etat. Comparaison osée ? Gageons alors qu’elle fasse débat et qu’elle redonne à Sieyès une place bien méritée dans l’histoire de France et de la Révolution française.
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