Voici ce que d'autres avait à lire à propos de cet ouvrage :
- Étienne Chouard, dans Comment former le citoyen du 21e siècle ? L'enseignement des humanités pour développer l'empathie chez des citoyens actifs
Je vous recommande la lecture de ce livre passionnant : il donne des armes pour résister à l'idéologie gestionnaire, cet utilitarisme étriqué qui nous déshumanise en colonisant notre imaginaire avec les valeurs marchandes et strictement comptables.
- Jeanne Émard, dans La démocratie et les humanités
Si je continue comme ça, je vais citer tout le livre : il le mériterait bien! Plus loin, elle aborde l’importance de développer l’empathie dès le plus jeune âge pour contrer les tendances narcissiques des bébés, tout en développant leur autonomie. Puis elle aborde une autre des raisons pour lesquelles l’enseignement des humanités est, selon elle, essentiel : «L’une des raisons de donner à tous les étudiants de premier cycle un ensemble de cours de philosophie et de sciences humaines est la conviction que ces cours, tant par leur contenu que par leur pédagogie, conduiront les étudiants à penser et à argumenter par eux-mêmes, au lieu de s’en remettre à la tradition et à l’autorité.»
- Gérard Moatti, dans Les émotions démocratiques. Comment former le citoyen du XXIè siècle ?
L'apprentissage intellectuel ne suffit pas : en exerçant l'« imagination narrative » des élèves à travers la littérature et les arts, les humanités servent aussi à développer chez eux l'empathie, la faculté de se mettre à la place de l'autre, même si sa culture est éloignée de la leur, et d'avancer vers des solutions consensuelles. Malgré sa démarche lourdement démonstrative et son ton souvent moralisateur, et bien que son champ d'observation n'inclue pas la France, ce livre donne à réfléchir sur notre système éducatif, où domine encore le modèle du cours magistral, où les humanités, au sens large, sont en recul, et où l'hommage qui leur est rendu dans les filières de technologie ou de gestion se limite souvent à une légère teinture de « culture générale ».
- RSHCQ, dans Les émotions démocratiques. Comment former le citoyen du XXIe siècle?
En fait, souligne-t-elle, à côté de la sphère économique et technologique coexistent les très importantes sphères politique et sociale. En Occident, les démocraties libérales se sont développées justement dans les sphères politique et sociale - parfois en porte-à-faux de la sphère économique et technologique. Mais elles sont fragiles; le totalitarisme nous guette si nous laissons agir librement les forces économique et technologique. Ainsi, la mission fondamentale des humanités et des sciences humaines serait de cultiver les valeurs démocratiques. Il faut continuer de former des citoyens dotés d'un esprit critique, capables de s'indigner devant les injustices sociales, et munis d'une volonté d'agir publiquement.
- Sandra Laugier, dans À propos de Martha Nussbaum, Les Émotions démocratiques
Bien sûr, on ne sera pas forcément ni entièrement convaincu par cette réflexion sur la crise globale de l’éducation. La référence au développement de l’esprit critique par les émotions, l’appel à des modèles originaux comme Tagore, Alcott et Dewey, contraste avec le conformisme de fond (qu’on pourra ici appeler tout simplement : libéralisme) des solutions envisagées : chercher le financement des universités chez leurs riches anciens élèves amis des arts, encourager les étudiants au bénévolat pour aider les pauvres, éduquer au « respect » et à l’égalité. Tel est probablement le sort de la réforme de l’éducation dès lors qu’elle est dépourvue de critique sociale, celle pourtant à laquelle appellent les penseurs cités en référence – sort de la bonne conscience progressiste qui veut démocratiser sans véritable changement, et dans le maintien d’idéaux qui demeurent socialement marqués (établissements prestigieux, noblesse des questions et objets…).
- Perrick, dans Des livres, dixième série
Au delà d'une découverte d'autres pédagogues (indiens ou américains : Tagore, Alcott et Dewey), j'ai été finalement déçu par cet ouvrage : bien sûr il appuie là où ça fait mal, le recul des humanités et de la culture artistique et littéraire en général (des arts libéraux à la pratique de l'imagination narrative). Mais se limiter à l'appui des riches fortunes capables d'aider financièrement leur(s) ancienne(s) université(s) me semble un peu léger pour ouvrir les citoyens à la démocratie de demain.
- Solange Chavel, dans L’utilité sociale des humanités
Parmi ces différentes thèses, qui toutes mériteraient d’être discutées en détail, on peut attirer l’attention sur deux points importants du débat. On peut d’abord souligner un aspect étonnant pour un lecteur français, qui tient au rôle que jouent les acteurs privés et publics dans la défense des humanités. Nussbaum commence son ouvrage en soulignant le contexte général de pression sur les enseignements d’arts et d’humanités : ces derniers doivent résister à une injonction toujours plus pressante d’utilité et d’efficacité comprises en termes étroitement économiques. Or, à plusieurs reprises dans l’ouvrage, Nussbaum souligne qu’aux États-Unis, les pressions contre les enseignements d’humanités viennent des politiques et des administrateurs, alors que les meilleurs soutiens de ces programmes sont de riches anciens élèves, donc des financeurs privés. Autrement dit, une des défenses efficaces des « arts libéraux » est le financement privé, contre les directives politiques.
- Pierre Després, dans De la nécessité des humanités pour le temps présent
Pour Martha Nussbaum, les capacités que permet de développer l’enseignement des humanités font partie de la solution : nommons entre autres les capacités de raisonner adéquatement, de porter un jugement critique sur les décideurs politiques, de penser au bien du pays, de voir son propre pays comme une fraction d’un ordre mondial complexe. Tout aussi importante : la capacité d’être sensible à la situation des autres, c’est-à-dire « la capacité à imaginer l’effet que cela fait d’être à la place d’un autre, à interpréter intelligemment l’histoire de cette personne, à comprendre les émotions, les souhaits et les désirs qu’elle peut avoir ». Cette dernière capacité, Nussbaum l’appelle« l’imagination narrative ». La danse, la musique, la poésie, la littérature, les arts, le jeu sont tous des pratiques qui permettent de cultiver cette disposition capitale. Mais ce sont de telles disciplines, tout comme la philosophie, que plusieurs dirigeants considèrent comme futiles et qu’il faudrait, selon eux, abolir (ou qu’ils ont déjà abolies !).
- Philippe Cibois, dans Martha Nussbaum. Les émotions démocratiques. Comment former le citoyen du XXIe siècle ?
Au niveau de l’université, on a cherché à transposer le modèle des États-Unis en France, dès la réforme des universités qui a suivi mai 68 (réforme Edgar Faure). Les deux premières années étaient découpées en Unités de valeur à choisir dans la palette offerte par l’université (rarement pluridisciplinaire). Une nouvelle tentative eut lieu en 97 à l’initiative de François Bayrou afin d’éviter la spécialisation des enseignements. Ces tentatives n’aboutirent pas du fait de la parcellisation du champ universitaire où chaque discipline ne vise qu’à son propre développement. Le système américain ne vise pas en début de formation à l’apprentissage d’une discipline, mais d’une culture générale. Cette culture générale est supposée acquise dans le secondaire en France mais qu’en est-il de l’apprentissage de la démocratie qui devrait lui donner son sens ?
- Alexis Cukier, dans Martha Nussbaum, Les Émotions démocratiques. Comment former le citoyen du xxie siècle ?
En revanche, il est permis de douter que l’auteure parvienne ici à répondre au problème spécifique de la manière adéquate de former et diriger les émotions morales en vue d’une culture démocratique et de la non-domination. Ses analyses les plus convaincantes des obstacles auxquels une éducation morale et citoyenne doit s’attaquer sont en effet celles qui traitent des facteurs organisationnels qui orientent les usages moraux des émotions dans le sens de la discrimination et de la domination. Mais l’insistance de Nussbaum sur l’apprentissage de la culture du débat (chap. 4), la promotion d’un imaginaire politique égalitaire (chap. 5), la formation de l’imagination morale par la fréquentation de la littérature classique (chap. 6), et plus généralement sa réflexion sur les contenus de l’enseignement et de la pédagogie, s’avèrent peu efficaces pour y répondre.
- Philippe Meirieu, dans Pour que nos émotions soient vraiment démocratiques !
Le premier est la pratique du « débat socratique », avec l’impératif des « changements de rôle », chacun devant défendre le point de vue d’autrui après avoir défendu le sien. Cette proposition, que l’on retrouve chez plusieurs pédagogues (7), m’apparaît tout à fait décisive : en effet, pour que le débat soit autre chose qu’une joute verbale ou une confrontation obstinée, pour qu’il évite à chacun de s’enkyster sur ses positions et permette de dépasser ses positions, de progresser, de réexaminer ce que l’on croit savoir, il faut entrer, en quelque sorte, dans la démonstration de l’adversaire et « se prendre » au jeu jusqu’à ce que sa propre position en soit « altérée », que l’on assume d’évoluer sans se renier… La deuxième proposition renvoie à l’impératif, dans chaque discipline et dans les nécessaires travaux interdisciplinaires, de procéder en élargissant systématiquement le champ pour permettre la découverte des interactions et solidarités. Il s’agit là de former le « citoyen du monde », non pas seulement par des injonctions généreuses, mais par la découverte de l’interdépendance étroite que les humains entretiennent entre eux et avec le monde : « La solidarité est un fait avant d’être une valeur », disait Albert Jacquard. On est loin ici, d’une « interculturalité » relativiste qui joue sur le caractère folklorique des « différences » et dilue toute référence tant éthique qu’esthétique.
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